Le paradoxe de la réputation réside dans l'apparent manque de proportion entre la valeur psychologique et sociale que nous lui conférons et son existence purement symbolique : avoir de l'honneur, de la réputation, être honorable, c'est juste être reconnu tel par quelqu'un d'autre. Pourquoi donner autant de valeur à cette image de nous qui est déposée chez autrui, d'autant plus que nous sommes les seuls à être intéressés obsessionnellement par notre réputation - exception faite pour les célébrités dont la réputation intéresse tout le monde ? L'angoisse qui accompagne la perte de la réputation, l'anxiété proustienne sur notre statut toujours incertain auprès des autres et l'ambivalence profonde que ces sentiments provoquent sont dus au manque de contrôle que nous avons sur notre double.
Notre deuxième ego n'est pas l'opinion des autres, il est ce que nous croyons être l'opinion des autres ou, parfois, ce que nous voudrions que les autres pensent de nous.