Que peut-on apprendre de la théorie néo-classique de l'offre de travail ?
François Legendre  1@  , Sylvain Chareyron  2, *@  
1 : Érudite  (Érudite)
Université Paris Est (UPE)
2 : Érudite  (Érudite)
Université Paris-Est
* : Auteur correspondant

Dans cette proposition de communication, nous relèverons tout d'abord que les développements contemporains dominants réutilisent systématiquement, pour fonder l'offre de travail, le modèle micro-économique du consommateur. Dans la théorie des cycles réels (Kydland et Prescott (1982)), ce modèle est même utilisé deux fois : une première fois dans la dimension transversale pour spécifier un arbitrage entre la consommation et le loisir (entendu comme une utilisation alternative au travail du temps dont le consommateur est initialement doté) et une seconde fois dans la dimension longitudinale pour spécifier un arbitrage intertemporel entre obtenir un niveau d'utilité élevé aujourd'hui ou demain.

La réutilisation du modèle micro-économique du consommateur pour donner des fondements à l'offre de travail participe d'une unification de la théorie néo-classique. Il faut observer toutefois que l'analyse des conséquences d'une variation du taux de salaire s'effectue alors en distinguant les effets de revenu et de substitution. On ne peut alors pas exclure que l'offre de travail soit une fonction décroissante du taux de salaire. La réutilisation du modèle micro-économique du consommateur ne permet donc pas de fonder la « loi de l'offre » : cette perspective est ainsi un peu décevante puisqu'il n'est pas possible d'en déduire des enseignements précis.

Les études économétriques menées dans les pays économiquement les plus avancés ont rarement mis en lumière une élasticité négative de l'offre de travail au salaire. Bien que les variations soient fortes entre les études, la plupart s'accorde toutefois à donner une faible valeur à cette élasticité, entre 0 et 0,15 pour Evers et al. (2008). Avec toutefois des différences selon le genre, la situation familiale et le niveau de revenu. Saez (2002), notamment, trouve une élasticité plus élevée pour les bas revenus que pour le reste de la population. La présence d'une courbe d'offre de travail en « S » a été établie dans les pays en développement (Dessing (2004)) en prenant en compte les comportements à l'intérieur de la famille : quand le salaire devient trop faible, des offreurs de travail additionnels se portent sur le marché afin de tenter de sauvegarder le niveau de vie de la famille.

Nous mettrons en évidence des formes simples qui assurent soit la prédominance de l'effet de revenu soit la prédominance de l'effet du substitution afin d'en discuter la pertinence empirique dans les pays occidentaux. Deux paramètres semblent jouer un rôle crucial : d'un côté, le niveau d'une consommation de subsistance et, de l'autre côté, le niveau d'un revenu autonome. On peut ainsi expliquer que, même dans les pays les plus riches, des personnes soient prêtes à travailler pour des taux de salaire très faibles, en l'absence d'un salaire minimum rejoignant ainsi l'analyse marxienne en termes de « double liberté » des prolétaires.

Dans la seconde partie de notre travail, nous nous proposons d'inverser la démarche : est-il possible à partir des traits distinctifs d'un grand nombre d'économies développées (salaire minimum, minima sociaux et chômage élevé) d'inférer les propriétés de l'offre de travail agrégée ? Dans ce cas, peut-on alors réexaminer les propositions selon lesquelles la modicité des incitations financières du retour à l'emploi entretient un niveau important de chômage, propositions qui notamment recommandaient le passage du RMI au RSA ?


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