Une hypothèse non orthodoxe relative à l'origine et au rôle de l'économie : avoir ou être
Jean-Louis CorriÉras  1@  
1 : Triangle : action, discours, pensée politique et économique  (TRIANGLE)  -  Site web
Institut d'Études Politiques [IEP] - Lyon, Université Lumière - Lyon II, CNRS : UMR5206, École Normale Supérieure - Lyon, Université Jean Monnet - Saint-Etienne
15, parvis René-Descartes - BP 7000 69342 LYON CEDEX 07 -  France

La science économique semble tiraillée entre une approche utilitariste et mathématique de l'homme (théorie néo-classique) d'une part, et une approche accordant une place prépondérante à la psychologie et aux influences interpersonnelles (théorie keynésienne), d'autre part. Toutefois, même si l'approche keynésienne nous semble plus apte à expliquer les comportements économiques et la situation conjoncturelle de l'économie que l'approche néo-classique, elle semble laisser de côté une dimension importante de l'homme, la dimension spirituelle, pour se focaliser essentiellement sur sa dimension psychologique. Dans un récit qui se trouve au début de la Bible, le livre de la Genèse, il est question de la création de l'univers, des animaux et de l'homme par Dieu. Le récit du péché originel met en scène Adam et Eve désobéissant à un commandement de Dieu : "Tu peux manger de tous les arbres du jardin. Mais l'arbre de la connaissance du bien et du mal tu ne mangeras pas, car, le jour où tu en mangeras, tu mourras." Dès qu'Adam et Eve mangent de ce fruit défendu, ils prennent conscience qu'ils sont nus et connaissent pour la première fois un sentiment de honte et de peur. Ils éprouvent le besoin de couvrir leur nudité, de posséder quelque chose d'extérieur (feuilles de figuier) dont il n'avait nullement besoin jusque là. Et si cela nous disait quelque chose au sujet de cette boulimie de l'avoir qui caractérise l'économie? D'où vient réellement l'économie? D'où vient le désir de posséder et de jouir de richesses matérielles croissantes? L'hypothèse que nous souhaitons tester tout au long de cet article est la suivante : le développement de l'avoir, qui est une des caractéristiques de l'économie, ne serait-il pas une façon de compenser notre manque d'être? Sa cause ne serait-elle pas d'ordre spirituel ou existentiel plutôt que d'ordre psychologique ou d'ordre culturel? En d'autres termes, ne serions-nous pas devenus dépendants des choses (biens) et des autres (influences interpersonnelles, modes) par refus de reconnaître et d'accepter notre dépendance essentielle (créature) vis à vis de notre source véritable. L'économie serait alors une stratégie humaine toujours vouée à l'échec, car elle viserait à "cacher" derrière des "avoirs" notre vulnérabilité et notre dépendance originelles et existentielles, seules capables de satisfaire notre soif d'être. Et la science économique ne serait rien d'autre qu'un ensemble d' "argumentaires" contribuant, sans le savoir, à camoufler et à justifier ce "détournement" du sens de la vie.



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