Peut-on faire entrer le Développement Durable dans des labels ?
Sylvaine Lemeilleur  1, *@  , Gilles Allaire  2@  
1 : Centre de Coopération Internationale de Recherche Agronomique pour le Développement  (CIRAD)  -  Site web
CIRAD
73 rue Jean-François Breton 34398 Montpellier Cedex 5 -  France
2 : Observvatoire du Développement rural  (INRA US-ODR)
INRA
* : Auteur correspondant

La légitimité de la certification des produits agricoles dits durables -dont le mode de production est considéré comme « durable »- repose sur la croyance en la possibilité de garantir une qualité recherchée aux consommateurs, en apposant un label sur les produits concernés.

Comme le souligne Orléan (2011), cette croyance prend sens pour l'économie néoclassique car les labels - liés donc à des normes sur la qualité de la production- sont assimilés à une « institution productrice de savoir commun » jouant le rôle du secrétaire de marché et distribuant ainsi une information identique et identiquement comprise sur la qualité à tous les agents. L'objectivisation de la qualité de façon artificielle permettrait alors de rétablir « l'hypothèse de nomenclature des biens » indispensable pour que la régulation concurrentielle des marchés fonctionne selon les analyses walrassiennes (Orléan, 2011). A partir de ces hypothèses, il est donc possible d'incorporer les imperfections et l'asymétrie d'information sur la qualité générée par les biens de croyance dans la matrice néoclassique; même si dans ce cas l'information est devenue couteuse. C'est dans le cadre de ce paradigme que la diffusion des standards privés dans les échanges internationaux a été facilitée par des institutions internationales telles que l'OMC ou l'Union Européenne (Busch and Bain, 2004).

Toutefois, un certain nombre d'observations empiriques nous invitent à reconsidérer les hypothèses proposées par ce paradigme et questionnent sérieusement la pertinence de ces mécanismes pour garantir « la » qualité liée à une production « durable ». Tout en présentant ces arguments, ce texte vise à introduire une autre approche.

En effet, alors que le paradigme néoclassique postule que la qualité relève d'une problématique liée à la distribution d'information entre les agents du marché, nous considérons au contraire la qualité comme une « institution » (Allaire, 2010). De ce point de vue, les pratiques requises et la manière dont sont spécifiés les indicateurs dans les cahiers des charges qui sous-tendent les labels (visant à une amélioration en termes de développement durable), ainsi que la crédibilité de la manière de les contrôler pour garantir le respect de ce cahier des charges, deviennent alors également des conventions, issue d'un équilibre entre des rapports de forces et des croyances des organisations concernées.

Dans cet article nous analysons les dispositifs institutionnels que constitue les standards « durables » et les différents niveaux de croyance générés dans les différents dispositifs rencontrés, à la fois sur le « bien » lui-même qui est la qualité recherchée ainsi que sur les « objets » créés pour atteindre ce « bien ». Les objets se déclinent en deux grands types distincts mais généralement enchâssés dans leur fonctionnement: (i) les cahiers des charges des standards comprenant des indicateurs, et (ii) le processus de contrôle des cahiers des charges, qui se présente comme une garantie de la qualité.


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