L'essor de la résilience opéré par les Nations unies dans le Cadre d'action de Hyogo (UNISDR, 2005) pour la préparation aux catastrophes s'est accompagné de l'émergence d'un corpus conceptuel largement influencé par l'approche anglo-saxonne (Birkmann, 2006 ; Wisner et al., 2004) d'inspiration néolibérale avec pour question centrale : comment les communautés ou les individus « rebondissent » ou récupèrent après un désastre, le plus vite possible, avec peu ou pas d'aide extérieure ? La transposition de ce dispositif international, qui met l'accent sur le renforcement de la capacité d'autonomie ou d'auto-organisation des individus et des communautés, se décline quelque peu différemment en France. Si la Loi de modernisation de la sécurité civile a inauguré la mobilisation de la résilience par l'État français et ses représentants, l'on ne raisonne pas dans l'Hexagone en termes de communauté, notion jugée antirépublicaine, mais de territoires et de collectivités locales. L'accent mis sur les territoires change quelque peu la compréhension et les modalités d'opérationnalisation de la résilience qui, plus que d'une « individualisation » des responsabilités est censée participer pour l'essentiel de la « territorialisation » des politiques publiques.
Du caractère éminemment politique et subjectif de la résilience, il résulte que celle-ci peut nourrir des actions et des projets assez radicalement différents. Ainsi, le principal objet de cette communication est de montrer que la transposition du concept de résilience dans le cadre français de gestion des risques (naturels en particulier), non seulement ne s'opère pas aisément, mais que surtout elle n'est pas dénuée d'ambigüités. La résilience comme la gestion des risques de catastrophe qu'elle inspire renvoient à différentes conceptions suivant les soubassements théoriques ou idéologiques, la culture et le dessein politique des acteurs qui s'en emparent : ce ne sont pas nécessairement les mêmes acteurs, ni animés de desseins identiques, qui y ont recours. C'est pourquoi il convient toujours de se demander qui « dit » la résilience et quel projet politique se profile en filigrane. Alors qu'avec la résilience s'opère un désengagement de l'État dans la gestion des crises et un transfert de responsabilités vers les autres parties prenantes, on peut se demander si, loin d'une territorialisation des politiques publiques potentiellement porteuse d'une reconnaissance de l'idiosyncrasie territoriale et d'une plus grande démocratie participative, on n'assisterait pas plutôt à une instrumentalisation de la notion par le pouvoir central pour opérer une simple spatialisation étatique du risque sur fond de rhétorique néolibérale ? Face à ce questionnement, cette communication reviendra, en premier lieu, sur les fondements épistémologiques d'une notion qui est souvent réduite soit à un mythe d'avenir désiré et désirable par tous (notamment lorsqu'elle est considérée comme un facteur de développement soutenable) soit à un référentiel normatif d'actions permettant de devenir résilient (retour du système à un fonctionnement « normal » ou « socialement acceptable » en cas de choc majeur) en omettant son aspect éminemment politique, et subjectif, voire idéologique ; cette communication s'attachera, en second lieu, à « décrypter » par un examen attentif des postures des responsables politiques français en charge de la gestion des risques et des territoires ce qu'implique la mise en pratique de la résilience pour l'axiologie publique et se demandera au bénéfice de quel enjeu (pour qui, face à quel danger et dans quelle finalité) elle est effectivement mobilisée.
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