L'article s'intéresse à la relation entre la représentation politique partisane et les politiques économiques mises en œuvre. En sociologie et science politique nombreux sont les travaux qui s'occupent de l'influence de l'économie sur la montée et la chute des mouvements de droite radicale et sur les effets que les crises offrent à ces derniers. Presque aucun intérêt n'a été porté à la relation inverse, c'est-à-dire aux effets de cette montée des droites radicales sur les politiques économiques des états. En revanche, les économistes de différentes traditions, avec leurs outils, considèrent non seulement l'impact de l'économie sur la politique adoptée mais aussi l'impact de la politique (partisane) sur l'économie. Cette approche économie de la relation entre économie et représentation politique souffre néanmoins de nombreuses limites.
La première section de l'article porte ainsi sur une revue critique de la littérature. Les travaux de Alesina, Cohen et Roubini (1993, 1997) qui voit les hommes politiques comme des acteurs intéressés presque exclusivement par leurs possibilités de réélection sont ainsi discutés. Sont également envisagées les approches qui s'efforcent de regarder la politique comme institution, idéologie et surtout comme produit des rapports de forces entre les différents intérêts sociaux présents dans chaque pays, à l'image des recherches de Amable, Guillaud et Palombarini (2012).
Au regard de la littérature économique, la deuxième section propose une approche originale de la problématique se concentrant sur le rôle particulier des droites radicales. Les seuls travaux économiques sur la question se sont en effet focalisés sur la xénophobie, en particulier en modélisant la relation entre cette dernière et ses effets sur le soutien au secteur public (Roemer et Van der Straeten, 2005 et 2006).Cependant, ces travaux ne permettent pas d'analyser la relation profonde entre l'émergence des droites radicales et l'économie, de même qu'ils ne tiennent pas compte du rôle spécifique des blocs sociaux. La troisième section propose une illustration du cadre théorique renouvelé que nous proposons à partir de données sur les finances publiques locales en Vénétie, en utilisant cette base de données pour la première fois en relation avec la Ligue du Nord. Cette région est en effet marquée, pendant toute la période de la Deuxième République, par la puissance de la Ligue du Nord, avec une triple conformation politique (LN au pouvoir toute seule/ au pouvoir en alliance avec le centre-droite/ à l'opposition), où chacune devrait correspondre, à une différence alliance de blocs-sociaux locaux. Ces différentes alliances sociales auraient comme effet des politiques budgétaires locales différenciées, malgré les contraintes posées par le Pacte de Stabilité et par les politiques menées au niveau de gouvernement central. L'article ouvre ainsi des perspectives originales pour théoriser le canal de transmission entre l'évolution du contexte social, les résultats électoraux et les politiques économiques mises en œuvre