La révolution tunisienne au prisme de l'inflation scolaire et du chômage des jeunes
Pierre Blavier  1@  
1 : Ecole Normale Supérieure de Cachan  (ENS Cachan)  -  Site web
École normale supérieure [ENS] - Cachan
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Le 17 décembre 2010 a lieu l'acte généralement considéré comme l'élément déclencheur de la révolution tunisienne et plus largement des révoltes arabes : Mohammed Bouazizi, un jeune « diplômé-chômeur », petit vendeur-ambulant de légumes, s'immole par le feu pour protester contre la police qui lui fait des misères. On connaît la suite : cette immolation marque le début d'un mouvement de révolte qui conduit à l'exil du dictateur Ben Ali le 14 janvier 2011 et à ce qu'il est convenu d'appeler les révolutions arabes (notamment en Egypte, en Lybie, au Yemen, et en Syrie).

L'enjeu de cette communication est de revenir sur le rôle de la jeunesse tunisienne dans la révolution de 2010, à partir d'une double interrogation :

1) Dans quelle mesure la très forte inflation scolaire connue sous Ben Ali (1987-2010) et le chômage des jeunes diplômés ont-ils été objectivement constitutifs d'un déclassement social ?

2) Comment celui-ci a-t-il été plus largement l'objet d'une politisation au sein de la société tunisienne et comment a-t-il été mobilisé par les acteurs ?

Ce double questionnement vise à comprendre le passage d'inégalités sociales à une injustice sociale, comme nous y invite la littérature sur les crises politiques et plus spécifiquement sur l'articulation entre mouvements sociaux et inflation scolaire. En particulier, nous montrerons le rôle que jouent les inégalités régionales comme facteur clivant au sein de la jeunesse tunisienne.

Le premier questionnement sera abordé au travers de statistiques issues des enquêtes emploi de la fin des années 2000. Ces données, inacessibles du temps de Ben Ali, sont petit à petit rendues publiques par l'INS et se révèlent de bonne qualité (passation par questionnaire au domicile du ménage enquêté en “face-à-face”, effectifs de plusieurs centaines de milliers d'individus, ...). Le second s'appuiera sur une enquête ethnographique (entretiens, observation participante) auprès de diplômés-chômeurs.

Nous espérons ainsi montré comment les transformations consécutives à l'inflation scolaire et à la montée du chômage ont joué un rôle dans la politisation de certaines franges de la jeunesse tunisienne, et dans le processus révolutionnaire toujours en cours. 


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