Economie politique du développement : vers une expertise co-produite ?
Bruno Boidin  1@  
1 : Centre lillois d'études et de recherches sociologiques et économiques  (CLERSE)  -  Site web
CNRS/IN2P3 UMR6533, CNRS : UMR8019
Cité scientifique - Université Lille 1 Bâtiment SH2 59655 Villeneuve d'Ascq cedex -  France

Cet article propose d'examiner les perspectives offertes par l'économie politique du développement en tant qu'approche visant à co-produire une expertise sur le terrain, en contrepoint des approches standard. L'économie standard est au cœur des programmes et des institutions du développement. Le retour de l'empirie à partir du milieu des années 2000, à travers notamment les essais "randomisés" laissait présager des jours meilleurs pour la connaissance fine des besoins, des comportements et des formes de mobilisation des populations. Pourtant, les institutions, entendues au sens des valeurs et représentations locales, n'ont pas été véritablement explorées tandis que les réformes de « bonne gouvernance » sont conduites à bon train sous le pilotage des bailleurs de fonds et des acteurs de l'aide.

 Avec le succès des essais randomisés, en grande partie dû à l'usage de techniques quantitatives éprouvées qui donnent des gages de scientificité aux économistes quantitativistes, le retour d'une place visible pour des travaux véritablement hétérodoxes en économie du développement est largement un trompe-l'œil. Pourtant, de nombreux chercheurs en sciences sociales du développement poursuivent, contre vents et marées, leurs investigations empiriques. Ils constituent un mouvement en apparence hétérogène mais dont les points de convergence offrent des perspectives pour un véritable retour de l'empirie en économie du développement.

 Ce que nous qualifions d'empirie hétérodoxe est parfois formulé dans d'autres termes : socioéconomie du développement, économie du développement qualitative, études en « économie et sociétés » appliquées au développement, etc.

 Ces approches convergent d'abord sur le plan théorique. Les bases sont à trouver dans une économie politique du développement dont nous préciserons les contours en les illustrant par l'analyse du champ de la santé dans les pays pauvres.

 Ces approches convergent ensuite sur le plan des méthodes empiriques, qui seront également précisées dans la communication. Ces dernières font d'abord largement appel à une méta analyse pluridisciplinaire. Celle-ci consiste à passer en revue les travaux des champs disciplinaires connexes (anthropologie, sociologie, histoire, science politique etc.) sur l'objet ou le terrain d'étude. Ensuite, sans renoncer à l'usage de la statistique et des méthodes économétriques lorsque cela est possible et pertinent, elle fonde une large part de sa démarche empirique sur des entretiens qualitatifs et des observations. Ces entretiens et observations permettent en retour d'adapter la grille d'analyse et les hypothèses. En général cette caractéristique, en l'éloignant des canons de l'économie orthodoxe, tend également à déstabiliser les experts des institutions internationales ainsi que les étudiants du Sud, désormais habitués à une culture des indicateurs et au benchmarking des outils. Enfin, l'empirie hétérodoxe s'appuie largement sur une analyse croisée des entretiens conduits d'un côté auprès des institutions, experts, acteurs, d'un autre côté auprès des usagers, ménages, considérés généralement comme des non-experts. Les résultats et perspectives offerts par ces méthodes, ainsi que les zones d'ombres et difficultés, seront abordés.

 


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