Dans le contexte de la crise systémique du capitalisme mondialisé et financiarisé, la recherche fondamentale en économie tend à se focaliser sur la réduction de tout élément vivant à du capital : le travail est vu comme un capital humain, les liens sociaux comme du capital social, la nature comme du capital naturel. Ces différentes sortes de capital sont alors évaluées à l'aune du calcul économique traditionnel et ajoutées, une fois réduites au même dénominateur, au capital économique, voire financier. Ainsi, peut être préparée la substitution de l'une de ces formes à une autre pour rendre possible la soutenabilité sociale et écologique des modes de développement.
Nous voudrions montrer que cette réduction est une nouvelle forme de fétichisme, c'est-à-dire de réification, qui ne porte plus seulement sur les rapports sociaux, au sens où Marx l'avait théorisé, mais, maintenant, sur tous les rapports : rapports entre les classes, entre les hommes et rapports que ceux-ci entretiennent avec la nature. Nous privilégierons ici l'exemple de la fétichisation des rapports avec la nature qui comporte deux volets, mis en avant alternativement ou conjointement dans la plupart des écrits concernant ladite économie de l'environnement. D'une part, la nature est considérée comme une valeur économique, mais alors elle ne peut alors être dite intrinsèque, ou bien n'étant pas une valeur économique parce qu'intrinsèque et donc hors de l'économique, on ne devrait pas l'ajouter à la valeur économique. D'autre part, de nombreux travaux néoclassiques s'obstinent à mesurer la valeur ajoutée imputable à l'action de la nature, le plus souvent en utilisant une fonction de type Cobb-Douglas.
Le raisonnement néoclassique consiste à décréter que tout est réductible à de l'économique parce que la monnaie est capable d'homogénéiser les biens et les bienfaits, puis à assimiler une mesure de la variation d'un stock au flux de services rendus par la nature, et à conclure que, puisqu'on connaît désormais la valeur de ces services, on peut mieux les protéger en « prenant en compte la valeur de la nature ». Et il ne restera plus alors qu'à organiser le « paiement des services environnementaux » aux propriétaires des ressources naturelles.
Ainsi, la marchandisation annoncée et redoutée par Polanyi du travail, de la monnaie et maintenant de la terre – au sens de toutes les ressources naturelles – reprendrait sa marche en avant contre la démocratie et la société.
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