La théorie proposée par Amartya Sen établit des liens entre développement économique et démocratie. Cette idée conforte les perceptions occidentales de l'idée démocratique et de ses vertus. Cependant, les sociétés occidentales sont-elles réellement démocratiques ? Ne jugeraient-elles pas leur niveau de démocratie à l'aune des espaces où elles sont démocratiques ? La politique monétaire européenne, le monde de l'entreprise semblent peu démocratiques. Or, que ces espaces considérables de la vie en société soient exclus du champ démocratique ne remet pas en cause, à nos yeux, le caractère démocratique de nos sociétés. Notre travail se penche uniquement sur le monde de l'entreprise. L'acteur principal, le créateur de richesses (de valeur ajoutée), n'a pas, voire marginalement, de pouvoir décisionnel. La captation « pacifique » de son pouvoir s'explique par une scission institutionnelle entre deux faces du travailleur : le producteur de la marchandise-travail et le sujet. Dans l'entreprise, parce que le cadre institutionnel est construit à dessein, la face « producteur » gomme celle du sujet. Ainsi, une fois la marchandise payée (le salaire) et le contrat respecté, l'entreprise est libérée de toute dette à l'égard du sujet. Ce dernier n'a pas voix au chapitre décisionnel et, en général, il ne trouve même pas antidémocratique la négation de son pouvoir. En revanche, la citoyenneté du propriétaire, du possesseur de capitaux à qui dividendes et intérêts sont payés, est pleinement reconnue. La démocratie semble « censitaire » dans le monde de l'entreprise.
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